Regards croisés
La question tombe, d’abord comme une tentative d’évaluer, de ré-évaluer ce que nous possédons encore comme capacité pour affronter cette saloperie de monde qui nous entoure. Puis, elle prend la figure d’une injonction. Une injonction qui nous inviterait à charpenter avec souci, des stratégies nouvelles pour continuer à tenir, continuer à rêver de démesures avec démesure lors même que des coups sont sans cesse assénés sur nos têtes pour nous rappeler que nous ne devons regarder que ce qu’il y a au bout de notre nez.
Car, quelles sont les forces vives qui nous restent pour continuer à tenir, pour ne pas avoir peur d’entamer des opérations commandos, pour dynamiter ce qui nous asphyxie quotidiennement ?
Nous ne savons pas si nous répondrons à cette question. Nous ne savons si nous trouverons des solutions à ce PAR OÙ COMMENCER. Nous ne savons pas si d’ailleurs il faut tenter d’y répondre. Seule certitude, nous souhaitons qu’à nouveau les histoires nous saisissent à la nuque, lors même que l’on pense que le monde qui nous entoure n’a plus besoin de nous pour avancer.
Le théâtre est un des derniers lieux où nous pouvons encore nous questionner sur notre sort collectif en ré-interrogeant sans cesse notre place dans la société lors d’un rassemblement, le temps d’une (re)présentation. Faire théâtre. Nous avons encore envie de croire que c’est par cette drôle de localité que peuvent se mettre en branle des prémisses de luttes et de combats, que c’est à cet endroit que peuvent surgir du dissensus, de la confrontation et de la mésentente.
Oui, l’acte théâtral a ce pouvoir d’arrêter le temps, de le rétrécir ou de l’allonger, voire de le rassembler pour faire parler, dialoguer des espaces-temps mutilés et réunir des incompatibles en modifiant la cartographie du partage du sensible.
Nous interroger sur notre contemporanéité au monde qui nous entoure. Penser l’universel en repartant de l’intime, réparer symboliquement des failles, inscrire des corps dans la vie de la cité, venir à ce qui est laissé pour compte, à ces choses anodines, raconter ce que l’on croit sans histoire et / ou qu’on préférerait croire sans histoire, chercher à créer du sujet, là, où a priori il ne semble pas y en avoir, voilà le projet de cette édition de Regards croisés. Voici le mot d’ordre qui rassemble les auteurs et les textes que nous vous proposerons : fouiller ! ce que le monde nous dit qu’il (n’) est (pas) !
Magali Mougel
Les auteurs de Regards croisés 12
de quel théâtre avons-nous besoin aujourd’hui?
lecture jeune public avec les Co-LecteurEs
Les Lundis des auteures
Lundi 30 janvier à 20h
Nina ? (épilogue)
de et par Sabine Tamisier
Édition Théâtrales, 2011
Ouvrage publié avec le concours du Centre national du Livre
L’auteure fait entendre ici la voix de Nina en guise d’épilogue ou de «lendemains» à La Mouette d’Anton Tchekhov. Nina est à Yelets et joue Ophélie dans Hamlet. Ce soir, le journal lui annonce la mort de Treplev qui l’a aimée et qu’elle a laissé. Il fait nuit, il neige. Nina part. Elle croise ceux qui l’ont connue : Arkadina, Trigorine, Medvedenko, Dorn… Nina est traversée par leurs voix. Fantômes ou rencontres ? Traverses. Elle marche, chute, se relève, à l’aube arrive et rage. Rend ce qu’elle doit à Treplev pour encore marcher, avancer, jouer et se tenir debout, longtemps.
C’est un hymne au théâtre qu’entonne Sabine Tamisier. Et c’est une déclaration d’amour à Nina, archétype du personnage tchekhovien et de l’actrice engagée. Une partition majeure et une écriture empathique qui laisse sourdre l’exaltation russe. (NdE)
NINA.—Je n’ai pas peur. J’avance, je marche, je n’ai pas peur.
Il fait noir. Ils m’ont dit Ne pars pas Nina, ce froid. J’ai FROID.
Ils m’ont dit Qu’est-ce que tu FAIS Nina, attends.
Qu’est-ce que tu fais?
Laisse-moi
Sabine Tamisier est née en 1973 à Pertuis (84) et vit actuellement à Aubagne. Après un parcours d’études théâtrales à l’Université d’Aix-en-Provence, elle travaille en tant que médiatrice du théâtre contemporain en milieu rural pour le Centre Culturel Cucuron-Vaugines (CCCV). Parallèlement à une pratique de comédienne amateur avec la troupe du CCCV, elle anime des ateliers de théâtre où elle met en scène des textes d’auteurs contemporains et suit les ateliers d’écriture théâtrale avec le Théâtre de Cavaillon-Scène Nationale et le CCCV. Elle intègre en 2003 la première promotion du département Écritures dramatiques de l’ENSATT (École Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre / Lyon), créé et dirigé par Enzo Cormann. De 2006 à 2010 elle est travaille pour le Centre de Ressources de Montévidéo (Marseille).
Elle se consacre aujourd’hui entièrement à l’écriture et à son travail de comédienne. Elle a écrit pour le théâtre Casa Nostra paru aux éditions Le Mot et le Reste et Sad Lisa paru aux Éditions Théâtrales.
Lundi 27 février à 20h
Prodiges® de Mariette Navarro
Lecture en présence de l’auteure
avec Sarah Barrau-Roux, Léo Ferber, Sylvie Jobert et Laura Tirandaz
A l’heure où la culture et le marketing se rencontrent enfin dans une danse d’amour et de productivité qui saura faire progresser avec allégresse la dignité humaine (surtout la vôtre, Madame), Prodiges® avance à visage découvert et décomplexé son amour de la réussite, et milite pour la société du travail (dans une ambiance chaleureuse et toujours en lien avec nos chères traditions). Oui, Prodiges® l’affirme, chacune aujourd’hui peut gravir les échelons de notre merveilleuse civilisation et s’en mettre plein les poches entourée de ses amies, tout en papotant popote et poupons, toutes choses qui nous préoccupent avant toute chose, nous les femmes. Et que celle qui ne se sent pas l’âme d’une pionnière enlève ses doigts de notre plan de travail : notre mixeur broyeur idéologique vient à bout des viandes les plus dures.
Mariette Navarro
LA CONCESSIONNAIRE.– Nous sommes ici pour t’émouvoir
LA MONITRICE.– Te faire frémir
LA CONCESSIONNAIRE.– Te renvoyer ton image
LA MONITRICE.– En un peu plus grand
LA CONCESSIONNAIRE.– Nous sommes cette autre dimension
LA MONITRICE.– La dimension de toi que le monde oublie de te renvoyer
LA CONCESSIONNAIRE.– Ou que tu ne veux pas voir
LA MONITRICE.– Dans ta grande modestie
LA CONCESSIONNAIRE.– Nous sommes ton miroir brillant et lumineux/
LA DEBUTANTE.– Mais nous présenterons aussi les produits que nous vendons, non ?
Prodiges® est une commande de la Compagnie du Veilleur, lors d’une résidence à la Maison des Arts de Brioux-sur-Boutonne, en janvier 2012
Diplômée en dramaturgie de l’École Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg, Mariette Navarro partage son activité professionnelle entre l’écriture et le travail dramaturgique dans différentes structures en lien avec l’écriture théâtrale contemporaine.
Son texte Alors Carcasse est paru chez Cheyne éditeur en mars 2011. Le second, Nous les vagues a obtenu les encouragements de la commission d’aide à la création du Centre National du Théâtre, il est paru chez Quartett éditions en mai 2011.
Samedi 31 mars à 19h
Bibliothèque municipale Centre Ville
À l’invitation du
Printemps du Livre de Grenoble
Troisième bureau propose la lecture, suivie d’une rencontre avec l’auteure, de
Erwin Motor / Dévotion
de Magali Mougel
Espaces 34 éditions, 2012
Ce texte a reçu l’aide à la création du Centre National du Théâtre
Avec Julien Anselmino, Cécile Corbery, Bernard Falconnet, Sophie Vaude et Dominique Laidet
Erwin Motor est une petite entreprise de sous-traitance automobile ; une petite entreprise familiale qui tente par tous les moyens de lutter contre la délocalisation en Pologne qui pèse sur elle.
Cécile Volanges est l’une des employées d’Erwin Motor et fière de l’être. Elle y travaille de nuit sans trop compter ses heures, au grand mépris de son mari. Mais Cécile s’en moque. Ce travail elle l’aime.
Là-bas, chez Erwin Motor, un homme veille sur les employées comme Cécile : Monsieur Talzberg. Il veille à ce que le travail soit bien fait, à ce que les ouvrières ne perdent pas la cadence et ce, en les stimulant par des moyens qui lui sont propres.
Une étrange relation va se nouer entre Monsieur Talzberg et Cécile Volanges sous l’œil de la directrice d’Erwin Motor, Madame Merteuil. Une liaison dangereuse qui ne sera pas sans mener à sa perte le couple Volanges.
Magali Mougel, auteure, est chargée de cours à l’Université de Strasbourg. Elle anime régulièrement des ateliers de théâtre et d’écriture en milieu rural et carcéral. Elle a écrit notamment Varvara essai 1 et Waterlily essai 2, textes lauréats des Journées de Lyon des auteurs de Théâtre en 2007, édités à L’Act mem et Erwin motor / Dévotion, qui a reçu l’aide à la création du Centre national du Théâtre en 2011 et sera publié en avril 2012 chez Espaces 34.
Elle sera présente lors du Printemps du Livre pour rencontrer des élèves de classes de seconde du lycée technique et professionnel André Argouges à Grenoble, du lycée Marie Curie à Échirolles et du lycée polyvalent Ferdinand Buisson à Voiron.
Ces élèves ont travaillé sur le texte Erwin Motor / Dévotion avec Léo Ferber, Hélène Gratet, Bernard Garnier et Danièle Klein dans le cadre des ateliers de lecture à voix haute et comités de lecture lycéens proposés par Troisième bureau.
Entrée gratuite dans la limite des places disponibles.
Lundi 30 avril à 20h
ATTENTION cette lecture aura lieu au
Petit Angle
1 rue du président Carnot à Grenoble
Personnal Jesus
ou la nuit où Richey disparut sans laisser de trace
de Sabryna Pierre
Lecture en présence de l’auteure
avec Fabien Albanese, Julien Anselmino, Thierry Blanc, Hélène Gratet et Laura Tirandaz
Richey James Edwards qui appartenait au groupe britannique Maniac Street Preachers, disparut la nuit du 1er février 1995, au bord de la rivière Severn qui sépare l’Angleterre du pays de Galles. Son corps ne fut jamais retrouvé.
C’est sa dernière nuit qu’imagine l’auteure.
Nuit d’errance, de débauche, de rencontres réelles ou fantasmées. Dans une chambre d’hôtel il avoue à une groupie que sa guitare n’est pas branchée lors des concerts. Il ne se sait pas en jouer. Il doit partir le lendemain en tournée aux USA. La jeune fille a perdu sa médaille de baptême. Ils décident alors de la retrouver. Attiré par la voix du Chien Snoopy, Richey terminera cette nuit au fond d’un lac dans un cabaret-tribunal…
Sabryna Pierre peint le monde contemporain à travers un fait divers où elle décortique le mythe pour voir l’humain.
RICHEY.– je crois que vous êtes un peu trop pop pour moi
L’HOMME AU COSTUME À PAILLETTES ARGENTÉES.– il faudra t’y habituer car j’ai été désigné pour être ton guide dans cette quête
RICHEY.– la quête de la médaille?
L’HOMME AU COSTUME À PAILLETTES ARGENTÉES.– la quête intracérébrale
la quête de la réponse à l’ultime question
maintenant tu sais où nous devons chercher
RICHEY.– nous irons vraiment dans ma cervelle?
Née en 1982, Sabryna Pierre suit des études de littérature et d’arts plastiques, avant d’intégrer l’Ensatt (Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre). Elle écrit STE, son premier texte dramatique en 2007, Personal Jesus ou la nuit où Richey disparut sans laisser de trace en 2008 et Unity Walkyrie en 2009 pour lequel Sabryna Pierre est lauréate des Journées de Lyon des auteurs de théâtre 2010, et entre au catalogue des éditions Théâtrales. Elle travaille également comme assistante à la mise en scène avec David Mambouch et dramaturge avec Catherine Hargreaves.