Les horaires des rencontres qui suivent les lectures au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas sont approximatifs
Le mardi 22 mai à 18h30 au Petit Angle
Causerie avec Kouam Tawa
À l’initiative de la Maison de la Poésie Rhône-Alpes
Kouam Tawa est arrivé à la littérature par la poésie, mais son écriture chemine entre théâtre, poésie, haïkus, histoires pour enfants, contes, récits… Il y a chez Kouam Tawa une nécessité de dire les choses, de donner à voir le réel, de nous embarquer dans l’aventure humaine, de nous la rendre palpable, émouvante sans débordements de pathos et quelque soit la forme d’écriture retenue, la poésie est toujours présente, langue affranchie, sonore, lucide mais aussi ardente de vie, généreuse, héritage d’une
tradition orale qui fait danser les mots lumineux et les choses qui grincent. Kouam Tawa a reçu en mars 2018 le Prix Poésie des lecteurs du Printemps des Poètes pour son album jeunesse : Danse, Petite Lune, éditions Rue du Monde.
Le mercredi 23 mai à 21h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture LE CIMETIÈRE DE L’ÉLÉPHANTE sera suivie d’une rencontre avec George Brant et Dominique Hollier
Modératrice Émilie Viossat
Un peu de contexte
Le cimetière de l’éléphante est né d’un matériau volé aux gros titres de la Presse, même si ces gros titres dataient de 1916. J’ai découvert cette histoire en tombant un jour sur une photo en noir et blanc de la pendaison de Mary l’éléphante sur internet, et cette image n’a dès lors cessé de me hanter. Une photo perturbante à un niveau très primaire, en deçà de son évidente cruauté. L’image est floue, trouble, brouillée, déjà déformée au moment-même de sa prise. J’ai commencé à voir les parallèles entre cet acte de justice pervertie et la guerre que les Etats-Unis menaient en Iraq : dans les deux cas une chose née d’un désir de justice aboutissait au vide et à l’horreur.
Le premier jet de la pièce reflétait volontairement l’histoire classique de la cécité des hommes face à l’éléphante, une série de monologues en adresse directe au public de la part de différents personnages qui ne paraissaient qu’une fois, chacun décrivant ce que l’éléphante signifiait pour eux. Au fil du travail, toutefois, j’ai abandonné mon concept originel et Le cimetière de l’éléphante est devenu une histoire chorale : l’adresse était toujours directe, mais certains passages se rapprochaient désormais du dialogue, la déclaration/vision d’un personnage rebondissant sur celles d’un autre.
J’ai écrit dix-huit versions de la pièce, sans parler des nombreuses modifications – d’énormes coupes, des combinaisons de personnages, des compressions temporelles – mais tout au long de ce travail, le récit historique de base est resté inchangé, donnant une solide charpente à toutes les thématiques que j’ai voulu construire par-dessus.
George Brant, traduit par Dominique Hollier
Le jeudi 24 mai à 14h au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
Regards lycéens
Dans le cadre du projet LIRE LE THÉÂTRE (D’)AUJOURD’HUI, 120 lycéen·ne·s de seconde et première rencontrent les auteurs des trois pièces qu’ils ont lues et discutées en classe entre janvier et avril pour échanger, lire, questionner…
les comédien·ne·s de Troisième bureau, Sarah Barrau, Florent Barret-Boisbertrand, Grégory Faive, Léo Ferber, Sylvie Jobert, Danièle Klein, Geoffroy Pouchot-Rouge-Blanc, Sophie Vaude, interviennent par demi-classe auprès d’élèves de quatre classes des lycées Argouges et Les Eaux-Claires à Grenoble, du Grésivaudan à Meylan et Édouard Herriot à Voiron.
Pour cette édition 2018, les lycéen·ne·s ont travaillé sur trois textes : Le cimetière de l’éléphante de George Brant traduit de l’anglais (États-Unis) par Dominique Hollier et Sarah Vermande ; Islande de Lluïsa Cunillé traduit du catalan par Laurent Gallardo ; Longues sont mes nuits de Faustin Keoua-Leturmy. Chaque classe lit un extrait d’un des textes, prépare des questions avant de révéler sa pièce “coup de cœur”.
Le jeudi 24 mai à 18h à la Bibliothèque Centre ville
Rencontre avec Arno Bertina
Modératrice Fanette Arnaud
En 2015, j’ai commencé à travailler avec ASI – Actions de Solidarités Internationales – et les bénéficiaires congolaises de cette ONG présente à Pointe-Noire et Brazzaville (de très jeunes femmes obligées de se prostituer pour survivre). Trois autres séjours ont suivi, au cours desquels j’ai appris à mesurer la distance entre les Congolais et moi. Si j’avais bêtement imaginé que la langue française pouvait nous permettre d’échanger, j’ai fini par réaliser que cet espace francophone était au contraire un obstacle (politique, culturel, social) plus vicieux que l’absence de langue commune. Dans ce travail de dépaysement que je devais faire pour accueillir ces vies en moi, j’étais bien aidé par la littérature que je tente d’écrire. Dans mes livres, je fais tourner la parole de façon à ce que l’auteur ne soit pas un écran entre le monde et le soi, mais un médium, ou un corps conducteur. Mais plus je tendais l’oreille pour écouter les très jeunes femmes accueillies par ASI, plus je comprenais à quel point un étranger (moi par exemple) peut rester un étranger.
Arno Bertina
Le jeudi 24 mai à 21h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture NUIT DE VEILLE sera suivie d’une rencontre avec Kouam Tawa et Arno Bertina
Modératrice Fanette Arnaud
Le vendredi 25 mai à 19h à la MC2: Grenoble
Les Apéros de Marine Bachelot Nguyen
Dans le cadre de sa résidence d’écriture, l’autrice Marine Bachelot Nguyen convie le public à trois “apéros rencontres” les vendredis 27 avril, 18 et 25 mai à 19h à la Cantine de la MC2. Pour ce troisième apéro, elle va nous faire entendre avec Marina Keltchewsky et François-Xavier Phan des extraits de son texte en cours d’écriture, Circulations Capitales, objet de sa résidence.
Le vendredi 25 mai à 22h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture ISLANDE de Lluïsa Cunillé sera suivie d’une rencontre avec Laurent Gallardo.
Modératrice Aurélie Coulon
Le regard du traducteur
Islande se présente telle une immense ligne de fuite, prenant la forme d’une pérégrination théâtrale à travers les rues de New York, qui se veut également émotionnelle (retour à l’enfance) et intellectuelle (de la réalité de la crise financière à ses causes les plus profondes). La pièce est un voyage au cœur des ténèbres qui, par stations successives, nous transporte dans l’œil du cyclone. Sur le chemin qui mène à Wall Street, c’est d’abord la misère humaine que l’on rencontre et la duperie érigée en loi morale. Derrière l’image rutilante du rêve américain, l’autrice découvre ainsi la réalité d’une imposture qui conduit irrémédiablement le monde occidental à sa perte. Le regard
candide du protagoniste rappelle celui de Karl Rossman dans Amerika de Franz Kafka. L’ambiance étrange et improbable n’est pas sans rapport avec Quai Ouest de Bernard-Marie Koltès et la faune new-yorkaise qui peuple la pièce semble directement inspirée de Manhattan Transfer de John Dos Passos. Lluïsa Cunillé parvient à nous surprendre par la pureté féroce de son langage et cette capacité à défaire une image consensuelle du monde, en lui conférant une densité et une opacité des plus suggestives, alors que l’on cherche si souvent à nous convaincre que la réalité est évidente, irréfutable, imparable. Et précisément, c’est peut-être là que réside la charge politique de cette oeuvre : dans ce langage théâtral unique et éminemment ouvert, tout comme l’est le regard que Lluïsa Cunillé porte sur le monde.
Laurent Gallardo
Le samedi 26 mai à 11h à la Bibliothèque Centre ville
Racontez-nous votre studio
Rencontre avec l’autrice Marine Bachelot Nguyen et les élèves du Studio Théâtre en compagnie de Marie-José Sirach, journaliste à L’Humanité.
Comment parler d’une expérience singulière, personnelle et pourtant collective ? Comment rendre compte d’une action “d’éducation artistique” autrement que par un spectacle ? En prenant le temps de raconter cette expérience lors d’un échange public.
Pendant trois jours, mercredi 23, jeudi 24 et vendredi 25 mai, une douzaine de lycéen·ne·s de l’académie de Grenoble participent à un Studio théâtre avec l’autrice Marine Bachelot Nguyen dans les murs de la MC2.
C’est un temps de rencontre privilégié entre un auteur contemporain et un groupe de lycéen.ne.s sur trois journées. L’objectif de cette rencontre est de leur permettre d’aborder de façon progressive un travail de plateau avec l’autrice, une mise en jeu de ses textes. Apprendre à oser, faire sauter les barrières, oublier la timidité, jouer de la parole et du corps. Le studio s’adresse à des lycéen·ne·s curieux du théâtre et des écritures…
Durée : 1 heure 3 minutes 41 secondes
Lieu : Grenoble / Bibliothèque Centre ville
Participants/comédiens : Bertille, Zoé, Joseph, Clémence, Malou, Clémentine, Louis, Coline, Rose, Lydie, Lucie et Marine Bachelot Nguyen. Modératrice : Marie-José Sirech/ Festival Regards Croisés
Copyright : theatre-contemporain.net / Festival Regards Croisés
Le samedi 26 mai à 20h au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture LONGUES SONT MES NUITS sera suivie d’une rencontre avec Faustin Keoua-Leturmy
Modératrice Marie-José Sirach
Qu’est-ce qui a motivé/provoqué/suscité l’écriture de Longues sont mes nuits ?
Je m’étais souvent interrogé sur le quotidien de ces femmes qui, dépourvues de moyens financiers, élèvent seules dans la dignité leurs enfants. Quelques images me sont aussi venues de mon enfance. J’ai vu ma mère élever courageusement six gosses. C’est plus tard seulement que j’ai su qu’elle a traversé des moments d’angoisse ; comme elles en connaissent toutes au quotidien. Faisant vagabonder mon imaginaire dans l’intimité d’une mère à une autre j’ai créé ce personnage en qui j’ai mis tout un tas de problèmes sociaux. Ces mères nous les rencontrons tous les jours, la plupart du temps enfouies dans un masque. Un père qui bannit sa fille à cause d’une grossesse chopée hors mariage, un homme parti à l’aventure laissant derrière lui une femme et des enfants, un petit enfant qui choisit d’aller vivre dans la rue, une pharmacie qui ne contient plus un seul comprimé…tout cela on le rencontre chaque jour.
Faustin Keoua-Leturmy
Le samedi 26 mai à 22h au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture PIG BOY 1986-2358 sera suivie d’une rencontre avec Gwendoline Soublin
Modératrice Pauline Bouchet
Qu’est-ce qui a motivé/provoqué/suscité l’écriture de Pig Boy 1986-2358 ?
En 2016, ça commence comme ça, par une colère. Bretonne, la colère. Petite-fille d’agriculteurs from the west, mon histoire familiale rencontre les tourments de mon époque “terrorisée”, où un agriculteur français se suicide chaque jour, où les cochons-poulets-vaches gueulent à moitié étourdis par des machines à l’abattoir, où des cancers poussent à nos cousins d’on ne sait où – si ce n’est que le papi a utilisé des produits chimiques dans son champ un jour. D’abord en 2016, c’est de cela dont je veux parler : de cette agriculture moderne folle et maltraitante, à l’égard des hommes, des bêtes et des plantes. Objection, votre honneur : hommes et bêtes et tomates, ce n’est pas pareil ! Pourtant l’oppression est là, et l’homme est à la tête du bal. Alors quoi, sommes-nous si épris de notre toute-puissance au point de vouloir anéantir tout ce qui nous résiste – le temps, la biodiversité, la vie ? Les GAFA-scientifiques de la Silicon Valley pensent désormais l’avenir avec une perspective transhumaniste très éloignée de la “nature” – de laquelle, disent-ils, nous pourrions nous émanciper. Penser les technologies et les “vivants” me paraît alors la meilleure façon de (re)penser notre identité. Notre devenir collectif végétal, animal, humain, poétique. Car à quoi bon l’agriculture si l’on peut faire de la viande synthétique ? À quoi bon le cochon s’il n’est d’aucune utilité pratique, gustative ? À quoi bon la vie réelle si la vie virtuelle peut constituer une nouvelle façon d’être vivant ? Quelle légende s’imprimera dans la future #bible à propos du premier/dernier homme ? Aura-t-il un groin ? À toutes ces questions, je n’ai pas d’autre réponse que ce texte, et encore ne constitue-t-il pas une réponse – mais bien d’autres questions encore…
Gwendoline Soublin
Le dimanche 27 mai à 19h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
Les lectures SWEETIE et RÉGNER SUR LES CENDRES seront suivies d’une rencontre avec Philippe Malone et Romain Nicolas
Modératrice Pauline Bouchet
Qu’est-ce qui a motivé/provoqué/suscité l’écriture de Sweetie ?
Il existe une récurrence du discours politique consistant d’une part à infantiliser le peuple lors de ses revendications, et d’autre part à le renvoyer systématiquement dans l’affect, justifiant ainsi la nécessaire pédagogie du pouvoir sans laquelle il ne saurait se faire comprendre (et dominer). Et tandis que nous avons tous le “sentiment” de vivre, d’être en colère, insécurisés, déclassés, pauvres etc, se développe une rhétorique justifiant de l’autre côté la transcendance et le détachement objectif. Généralement à nos dépends. Entendons-nous : d’un côté la passion, de l’autre la raison. À ma gauche l’éructation véhémente du slogan, à ma droite la sagesse toute libérale d’un discours bien rodé, forcément juste, si évident. Le point de départ de l’écriture de Sweetie est donc cette trinité : infantilisation, affect, pédagogie. S’y sont adjoints une sérieuse dose de fascisme, une mère à l’amour océanique (ainsi qu’un père dans la version éditée), des enfants bourdonnants, des voisins pénétrants, un jardin beau comme un cimetière défolié, quelques légumes non mixés et, “Nuit Debout” passant par là, la vilaine question de l’émancipation. Le tout servi en sauce paranoïaque et logorrhéique, dans une langue “à côté”. Ne restait plus que l’énigme Sweetie…
Philippe Malone
Qu’est-ce qui a motivé/provoqué/suscité l’écriture de Régner sur les cendres ?
Fils de Fukushima, j’avais une centrale nucléaire en bas de chez moi. Tous les matins, à mon bureau, avant d’écrire, je me disais : ça va exploser et je vais mourir ! Panique faisant j’accumule les conserves, je deviens survivaliste radical. Mais malheureusement la catastrophe ne vient jamais. Je me rassure en me disant que plus le temps passe plus les probabilités qu’elle advienne sont grandes. Du coup, je me renseigne sur les radiations, le fonctionnement d’une centrale nucléaire, et sur les accidents passés et leurs conséquences. Mine de rien, ça apaise. Un péril connu est moins effrayant qu’un péril fantasmé. Mais ça ne calmait pas ma panique. J’ai donc voulu écrire une pièce autour d’une catastrophe nucléaire. C’était évidemment une catastrophe. C’était didactique. C’était stupide. Quand on compare les conséquences d’un accident nucléaire avec les conséquences des accidents de la route, quitte à faire une pièce didactique, ça serait plus utile d’en faire une sur la sécurité routière. Aussi, j’ai supprimé tous les fichiers de ce texte. Et de ce vidage de corbeille a surgi une autre pièce : une pièce qui se déroule dans une centrale nucléaire. Oui. Mais dont la question n’a rien à voir avec Le Nucléaire. Tout à coup ont surgi dans l’écriture des questionnements sur la vérité, la “post-vérité”, l’ère commentative et la façon dont la parole, la langue, le discours, et la croyance en ce discours fabrique le réel. Le discours ne décrit pas le monde : il le crée.
Romain Nicolas
Le lundi 28 mai à 15h au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN QUESTION
TABLE RONDE AVEC Marine Bachelot Nguyen, Penda Diouf, Faustin Keoua-Leturmy, Émile Lansman, Nicola Wilson
Modératrice Bérénice Hamidi-Kim
Durée : 1 heure 56 minutes 56 secondes
Lieu : Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas Grenoble
Participants/comédiens : Marine Bachelot Nguyen Penda Diouf, Faustin Keoua-Leturmy Émile Lansman, Nicola Wilson. Modératrice Bérénice Hamidi-Kim.
Copyright : theatre-contemporain.net / Festival Regards Croisés
Depuis quelques années, le champ théâtral français a entrepris une douloureuse autant que salutaire opération : faire face aux impensés qui structurent ce monde qui, parce qu’il s’est toujours voulu un “théâtre public” démocratique et émancipateur pour les publics, s’est rêvé un milieu professionnel indemne de tout rapport de domination. Or, inégalités, hiérarchies et discriminations sont bel et bien là. Sans parler des inégalités structurelles propres au champ, entre types d’organisation (lieux de production-diffusion vs compagnies) et entre corps de métiers (metteurs en scène vs interprètes par exemple), la scène théâtrale rejoue des rapports de force présents dans la société. Entre hommes et femmes, a-t-on découvert en 2006 avec le désormais célèbre rapport Reine Prat. Mais aussi, a-t-on commencé à réaliser plus récemment, entre ceux qui sont assignés à leur supposée identité spécifique et ceux qui auraient en eux la capacité d’incarner l’universel, simplement parce qu’ils sont du côté du majoritaire ou du transparent – c’est là le privilège d’être blanc. De ce point de vue, la scène théâtrale n’est pas seulement une chambre d’écho de ce qui se joue dans l’espace social, elle est aussi chambre d’amplification. C’est à pointer ces phénomènes autant qu’à les modifier que s’attellent des collectifs de professionnels comme “H/F”, qui lutte contre les inégalités hommes/femmes dans le spectacle vivant ou, plus récemment, “Décoloniser les arts” et “Jeunes textes en liberté”. Cette table ronde sera l’occasion d’interroger des membres de ces deux derniers collectifs, Marine Bachelot Nguyen pour le premier, Penda Diouf pour le second. Avec elles et d’autres artistes invités du festival, Faustin Keoua-Leturmy et Nicola Wilson, ainsi que l’éditeur Émile Lansman nous nous interrogerons sur ces réalités que tente maladroitement de saisir l’expression “diversité”, et nous demanderons ce que peut l’écriture théâtrale pour nommer mais aussi pour transformer ces représentations sociales, pour créer de nouveaux récits et, peut-être, oeuvrer par là à reconfigurer nos imaginaires.
Bérénice Hamidi-Kim
Le lundi 28 mai à 21h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture AKILA LE TISSU D’ANTIGONE sera suivie d’une rencontre avec Marine Bachelot Nguyen
Modératrice Fanette Arnaud
Pourquoi cette pièce ?
J’ai voulu écrire cette histoire, suite à de nombreux chocs liés à l’actualité de ces dernières années. La violence des attentats et ce qu’elle a changé en France, en terme de climat politique et social, d’instauration de l’état d’urgence. Le parcours de vie des jeunes français auteurs d’attentats terroristes. Mais aussi les difficultés liées à leurs funérailles et lieux de sépulture. Les violences policières quotidiennes, les crimes et meurtres policiers qui frappent les vies de jeunes Noirs, Arabes ou Asiatiques des quartiers populaires. Les discriminations et les entraves à la citoyenneté que doivent affronter les femmes musulmanes qui portent le foulard, l’islamophobie qui grimpe en France, les débats faussés sur la laïcité. Les angles morts de l’universalisme et du républicanisme, la difficulté de la France à affronter les failles et les plaies de son histoire coloniale et impérialiste. Comment saisir avec suffisamment de recul et de distance des événements vertigineux et brûlants, des questions polémiques ? Comment les rassembler, les traiter dans une fiction qui les rende appréhensibles, qui les mette en perspective, qui les déplace sans les amoindrir ? La transposition de la tragédie m’a semblé intéressante. On fait souvent d’Antigone une figure positive et héroïque de résistance, face à un pouvoir et à un ordre injustes. Elle est aussi pour moi une figure plus complexe et plus ambiguë, condensant des questions politiques plus larges. Dans la perspective de J.P. Vernant et P. Vidal-Naquet, l’Antigone de Sophocle illustre le conflit entre plusieurs ordres et juridictions qui s’opposent, dans la cité grecque naissante : la tension entre droit familial et droit civique. Antigone incarne le droit ancien et familial qui implique de rendre hommage aux morts de sa famille, et Créon le droit civique nouveau, qui nécessite d’exclure les ennemis de la Cité pour assurer son équilibre. En France aujourd’hui plusieurs visions de la laïcité et du vivre-ensemble s’affrontent. Le geste d’Akila, celui de poser un foulard sur ses cheveux et de le garder obstinément dans l’enceinte du lycée, doit demeurer une question : un geste qui questionne la loi, mais dont les interprétations doivent rester multiples, ouvertes, irréductibles à une unique signification. Si tous les ingrédients de la tragédie sont là dès l’entrée du texte, la pièce n’évoluera pas vers une issue tragique. Il m’importe de ne pas ajouter aux morts d’autres morts, dans une fascination morbide ou un pessimisme moralisateur. C’est aussi la responsabilité d’écrire une fiction politisée d’aujourd’hui.
Marine Bachelot Nguyen
Le mardi 29 mai à 21h30 au Nouveau Théâtre Sainte-Marie-d’en-Bas
La lecture LA MALADIE DE DETER sera suivie d’une rencontre avec Nicola Wilson et les traductrices Gisèle Joly et Adélaïde Pralon
Modératrice Aurélie Coulon
Qu’est-ce qui a motivé/provoqué/suscité l’écriture de La maladie de Deter ?
Quand j’ai commencé à envisager l’écriture d’une pièce, je savais que je voulais jouer avec la structure. J’avais envie d’explorer une multiplicité de temporalités ainsi que la nature subjective de la mémoire, et, sans y penser, je me suis mise à me renseigner sur la maladie d’Alzheimer. J’avais lu des témoignages sur le sujet du point de vue des personnes qui s’occupent des malades, mais je me demandais s’il n’y avait pas moyen d’utiliser les ressorts du théâtre pour plonger dans la tête de la personne atteinte et voir le monde de son point de vue. Et puis je suis tombée sur la FAD [maladie d’Alzheimer familiale] et me suis demandé comment ce serait pour quelqu’un de mon âge, avec des enfants sur le point d’entrer dans l’âge adulte quasiment au moment où se développent les symptômes de leur mère. Qu’arriverait-il quand ces deux mondes se rencontreraient ? Et puis, quand j’ai découvert l’existence du test génétique, je me suis posé la question de ce que j’aurais fait si j’avais su que j’avais une chance sur deux de développer cette maladie vers le milieu de la quarantaine. Est-ce que je déciderais de faire le test et de savoir si j’étais porteuse du gène ? Les idées se sont mises à fuser dans tous les sens, et j’ai su que je tenais ma pièce. Il ne me restait plus qu’à trouver les bons personnages et la bonne structure pour raconter l’histoire la plus forte qui soit. J’ai écrit toutes mes scènes sur des feuilles de papier séparées. Sans ordre particulier. Et puis je les ai organisées de façon à effectuer des sauts dans le temps, dans le passé, dans l’avenir ; j’ai même écrit une scène à l’envers, pour imiter les symptômes de la maladie. J’ai en quelque sorte infligé la maladie d’Alzheimer à la pièce. Je tenais aussi beaucoup à ce que l’humour soit très présent du début à la fin. Selon moi, l’humour est extrêmement important pour surmonter les moments d’adversité. Et je voulais que la pièce soit remplie d’amour. Si bien que, à un autre niveau, il s’agit simplement d’une histoire d’amour qui rassemble toutes les bonnes choses de la vie malgré les cruelles vicissitudes de cette maladie.
Nicola Wilson, traduit par Adélaïde Pralon