Conversation avec Enzo Cormann, dramaturge et Alexis Cukier, philosophe
Modérateur Thomas Boccon-Gibod
lundi 30 mai à 18h au Théâtre 145
La société de l’information et de l’image n’est pas avare de représentations du travail. Bien au contraire, celui-ci, présenté comme un vecteur de développement personnel, voire d’émancipation, est devenu un enjeu de légitimation majeur du capitalisme contemporain. Au monde archaïque du « vieux » travail salarié et contraint, succède ainsi l’univers indéfiniment flexible et dématérialisé d’un travail porteur d’initiative et de performance individuelles… un monde où les travailleurs, devenus en quelque sorte entrepreneurs d’eux-mêmes, se doivent d’être toujours plus efficaces, pour le plus grand bien-être de tous et de chacun. Mais le travail n’est-il pas aussi, et d’abord, la manière dont nous transformons le monde en nous transformant nous-même, sans que cela soit nécessairement comptabilisable ?
L’espace théâtral restant un lieu un peu à part dans la vie sociale, il paraît à même d’accueillir des représentations alternatives du travail et du monde. Comment le théâtre peut-il prendre en charge ces nouvelles représentations du travail ? Peut-il susciter d’autres émotions que la satisfaction du spectacle de la réussite individuelle ? Le fait est qu’on peut parfois avoir l’impression, devant certains spectacles, que des formes dramatiques actuelles ne font que laisser voir un malaise grandissant, une impression née de l’impossibilité de donner un sens à son travail. Le théâtre est-il condamné à représenter ce mal-être au travail, ou peut-il contribuer à inventer d’autres représentations de celui-ci ?
Enzo Cormann, auteur dramatique et théoricien du théâtre, et Alexis Cukier, philosophe et spécialiste des transformations contemporaines du travail, discuteront librement de ces questions des enjeux politiques de la représentation théâtrale du travail, au regard des pièces mises en lecture à l’occasion du festival.
Alexis Cukier est chercheur en philosophie, post-doctorant à l’Université de Strasbourg dans le cadre de l’ANR « Approches philosophiques de la centralité du travail ». Ses travaux, dans le domaine de la philosophie sociale et politique, portent sur les dimensions subjectives et objectives de l’aliénation et de l’émancipation, la centralité du travail et les rapports entre travail et démocratie aujourd’hui. Il a dirigé, notamment, les ouvrages : avec F. Delmotte et C. Lavergne (dir.), Emancipation, les métamorphoses de la critique sociale (Le Croquant, 2013), avec V. Chanson et F. Monferrand (dir.), La réification. Histoire et actualité d’un concept critique (La Dispute, 2014), Travail vivant et théorie critique. Affects, pouvoir et critique du travail (PUF, à paraître en 2016).
Thomas Boccon-Gibod Professeur de philosophie à Grenoble, il est spécialiste des institutions publiques modernes. Il a publié Michel Foucault, dire la vérité (Canopé, 2013) et Autorité et démocratie (Institut Varenne, 2014). Son intérêt pour l’imaginaire politique du théâtre l’a conduit par ailleurs à travailler aux côtés d’auteurs dramatiques comme Joël Pommerat (Je tremble, 2009 ; Cercles-fictions, 2010).