Samedi 17 mai 2014… C’est quoi le problème ?

18h [Théâtre 145]

Conversation avec HÉLÈNE CHÂTELAIN
et Olivier Neveuxchatelain-photo-prog

Il existe un bar à Tokyo dédié à Chris Marker. Il se nomme La Jetée en hommage à l’un de ses films. Une photo de son héroïne aimante les regards : on y découvre le visage énigmatique et expressif d’Hélène Châtelain.
Elle était alors comédienne : au théâtre elle jouait Ionesco avec Jean-Marie Serreau et, bientôt, Brecht avec Georges Wilson.
C’était avant qu’elle ne croise l’écriture d’Armand Gatti. Depuis presque cinquante ans, désormais, elle l’accompagne.
Elle l’a jouée, mise en scène ; elle a composé quelques-uns des plus beaux textes qui existent sur cette œuvre. Elle en a filmé des éclats, le travail, la démesure poétique : dans une Irlande ravagée par la meurtre de Bobby Sands (Irlande, terre promise) ou, à Los Angeles, dans l’entêtement de migrants à ne pas laisser mourir une seconde fois les militants anarchistes Sacco et Vanzetti (Chant public devant deux chaises électriques).
Car Châtelain est aussi cinéaste depuis que Joris Ivens lui prêta sa caméra de bois.
En 1973, dans Les prisons aussi (avec René Lefort), elle filme la présence et la parole des prisonniers dans la foulée du Groupe d’Information sur les Prisons créé par Foucault, dans Le Lion, sa cage et ses ailes (avec Armand et Stéphane Gatti), celles des travailleurs immigrés de Montbéliard, dans Nous ne sommes pas des personnages historiques, celles des exclus du langage et, dans Goulag (avec Iosif Pasternak), celle des victimes et des survivants. Comme la collecte des paroles du siècle. La parole : slovo, tel est d’ailleurs le nom de la collection qu’elle co-dirige chez Verdier et qui publie, entre autres, Chalamov, Harms, Krzyzanowski… Écritures russes qu’elle arpente tout autant que terres et tragédies.
Pas n’importe quelles paroles toutefois. Châtelain fraie avec les libertaires ce qui signifie, a minima, une attention soutenue pour les vaincus et dissidents et une méfiance instinctive pour les vainqueurs. D’où la présence emblématique du paysan d’Ukraine anarchiste Nestor Makhno : « Prolétaires du monde entier, descendez dans vos propres profondeurs, cherchez-y la vérité, créez-la vous-mêmes ! Vous ne la trouverez nulle part ailleurs ».
Mais c’est trop peu dire encore. Les dates et les faits sont trompeurs et étriqués. Ils renvoient à l’histoire ce qui ne cesse de s’y dérober et contraignent au vocabulaire du « temps » les mouvements dans l’espace. Elle a récemment traduit pour les éditions Verdier : Éloge des voyages insensés de Vassili Golovanov. Notre conversation aurait cela comme boussole : témoigner de ses voyages à elle, insensés, parmi les individus, les œuvres et le verbe. Châtelain est une conteuse rigoureuse : les récits, puissants de gratitude, y deviennent créations.
Je connais peu d’êtres qu’anime à ce point l’ivresse du grand air. Châtelain sait la faire advenir d’un chant d’oiseau, d’une cascade de mots ou des plus sombres impasses. Par temps asthmatiques, pareil tour de main est salutaire.

Olivier Neveux

19h55 [Théâtre 145] Chronique
Théâtre et réalité, le vertige du multiple, Laura Tirandaz

20h [Théâtre 145] MACÉDOINE

Lecture LA GORGE Žanina Mirčevskazanina-mircevska

Alors qu’il se promène en chantonnant une comptine, l’homme “qui a mangé son nom”, découvre une mine de pleurotes. Affamé, il projette d’en ramasser le plus possible. Mais le gardien du domaine le rappelle à l’ordre et le conduit à la propriétaire des lieux qui ô joie le reconnaît comme son fils disparu… et meurt, lui laissant une immense fortune. Va-t-il enfin pouvoir assouvir sa faim elle aussi immense, lui qui maintenant peut engloutir tout ce qu’il désire ? Tout, veaux, vaches, cochons… hommes, tout y passe. Et les rencontres successives ne sont qu’opportunités supplémentaires et morbides pour ingurgiter, allant outre l’interdit moral de l’inceste et l’anthropophagie. Avidité et vide de l’existence se côtoient au cœur de celui qui a mangé son nom, et qui finira vainement par se manger lui-même. Dans cette farce toute en démesure, Žanina Mirčevska invente ici un personnage grotesque dont le besoin d’engloutir et de consommer, réduit l’être à néant.

Avec Thierry Blanc, Nicolas Cartier, Pierre David-Cavaz, Bernard Garnier, Hélène Gratet, Danièle Klein, Mélanie Marinho… accompagnés par Sylvie Jobert et Benjamin Moreau

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22h [Théâtre 145]
Rencontre NOTRE BESOIN DE POSSEDER EST-IL IMPOSSIBLE À RASSASIER ?

Žanina Mirčevska, Maria Béjanovska
Magali Mougel, Laura Tirandaz

Il était une fois un homme qui avait faim et cherchait des pleurotes dans une forêt… S’inspirant des caractéristiques du conte, Žanina Mirčevska reprend la figure de l’ogre dont le nom même a disparu. De rebondissements en rebondissements, la bonne fortune lui sourit mais son appétit ne diminue pas. Cette voracité insatiable le conduit à toutes les extrémités. Quelles nécessités, quelles névroses découlent d’une société où l’enrichissement est le maître mot ? Notre besoin de posséder peut-il être rassasié ?