VENDREDI 25 MAI
18h Rencontre avec Olivier Neveux
Bibliothèque municipale Centre ville
Le 4 janvier 1977, le dramaturge allemand Heiner Müller rédige un court texte dans lequel il fait ses adieux à la pièce didactique telle que Bertolt Brecht l’envisageait. Aussi pose-t-il cette question : QUE RESTE-T-IL ?
Des textes solitaires en attente d’histoire. Et la mémoire trouée, la sagesse craquelée des masses menacée d’oubli immédiat. Sur un terrain où la leçon (Lehre) est si profondément enfouie et qui en outre est miné, il faut parfois mettre la tête dans le sable (boue, pierre) pour voir plus avant. Les taupes ou le défaitismes constructif.
La défaite du théâtre brechtien est posée.
Mais aujourd’hui après Brecht, Müller où en sommes-nous ?
Le théâtre n’est donc pas une forme figée. Quoiqu’on en dise elle se revivifie, s’invente au gré des événements politiques, économiques et sociaux. Mais quelles figures prend-t-il aujourd’hui ? De quoi est capable l’exercice, l’examen théâtral ? Si de théâtre nous avons besoin, de quels théâtres avons-nous besoin alors aujourd’hui ?
En posant cette question à Olivier Neveux, nous souhaitons engager un temps d’échange pour tenter de comprendre à quoi peut bien encore nous servir le théâtre aujourd’hui, en quoi doit-il sans cesse tenter de se réinventer, comment peut-il être un espace qui nous permette de déployer chez chacun d’entre nous de la capacité à nous réinvestir, à rire avec franchise de nos désastres, à apprendre à nos regards une autre façon d’être.
Pour préparer cette rencontre avec Olivier Neveux et tenter de répondre à la question, nous nous prêterons à un petit exercice de style sous forme d’une chronique quotidienne énoncée en ouverture de soirée.
Magali Mougel
La question suppose que nous avons besoin du théâtre. Est-ce seulement si clair et évident ? Müller, je crois, soutenait en son temps la légitimité d’un moratoire sur le théâtre : plus de pièces pendant quelques temps pour savoir si, au juste, cela nous manque et si oui, de quoi d’ailleurs ce manque est-il fait…
Mais affirmons, à titre d’hypothèse : nous avons besoin du théâtre. Pas n’importe lequel toutefois. Et il faudrait s’entendre : besoin pour quoi ? Pour vivre, s’orienter un peu, se perdre enfin au loin… Et précisons : ce « besoin » n’est pas inéluctablement « l’utile ». Il se peut que nous ayons besoin de l’inutile.
Peut-être faudrait-il alors prendre la question à l’envers : mais quel est donc ce théâtre dont nous n’avons pas besoin ? Ce théâtre qui nous encombre, qui fait corps avec la brutalité néolibérale sous couvert d’en contester l’existence, ce théâtre de la lamentation et de l’impuissance. Ce théâtre qui nous fait ressentir le besoin d’un autre théâtre à dessiner continuellement nos incapacités et à nous y assigner comme spectateurs.
Il doit bien exister un théâtre de la capacité, un théâtre qui s’adresse à l’égale capacité de tous, qui la pratique. Ce qu’il pourrait être, ce qu’il pourrait permettre, quelques exemples et quelques propositions dont il sera question en inscrivent le tracé. Ce ne sont pas des modèles mais la preuve bien réelle que nous ne sommes condamnés ni à la résignation ni à la soumission ni à l’éploration que propagandisent tant de transgressions boursouflées, d’avant-gardes éventées, ou de didactismes autoritaires et déprimés.
Olivier Neveux
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Olivier Neveux est maître de conférences à l’Université de Strasbourg au département des Arts du spectacle et enseignant à l’ENSATT (section écritures) et à l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique du Théâtre National de Strasbourg. Il est l’auteur entre autres de Théâtres en lutte. Le théâtre militant en France de 1960 à nos jours (Editions La Découverte). Il a récemment coordonné avec Christophe Triau le numéro 203 de la revue Théâtre/Public : Etats de la scène actuelle. 2009-2011 .