Lecture au café
- Lundi 13 décembre
Crime contre l’humanité
de Geneviève Billette
Léméac éditions
Avec Violette Jullian, Léo Ferber, Stéphane Czopek, Grégory Faive, Bernard Garnier, Philippe Saint-Pierre
L’Industriel veut convaincre son voisin, Kalr (le « r » a glissé) de lui céder son terrain. Ce dernier négocie avec des armes étrangement subversives : odeur, démangeaisons, vocabulaire, sommeil, pulsions… L’univers laminé d’ouvriers et de patrons bascule dans l’inédit. Allégorie méchante et étincelante de ce pouvoir multiforme dont chacun a soif. (NdE)
Kalr.— J’attendais cette rencontre avec impatience. En plantant cette pancarte à vendre, je savais que vous ne résisteriez pas au désir d’expansion. Heureusement. Un jour de plus à la perception…
L’Industriel.— Où travaillais-tu avant ?
Kalr.— Je regardais la télévision en mangeant des chips.
L’Industriel.— Je vois.
Kalr.— Vous vous méprenez. Manger des chips devant la télévision sans perdre une seule parole est un exercice de concentration d’une extrême difficulté. J’ai acquis une bonne concentration en m’y astreignant, c’est vrai. Mais j’ai surtout décuplé ma rage. Je hais la bonne conscience des dirigeants. J’exècre la compréhension des petits épargnants. Trop de bouches prononcent trop souvent les même mots. Ça me troue le cul. Déficit. (il crache.) Efficacité. (il crache.) Productivité. (il crache.) Je suis allergique à ces insanités.
Geneviève Billette est diplômée en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada. La plupart de ses pièces ont été portées à la scène au Québec. Son écriture a également été présentée en France, au Mexique, en Suisse et au Canada anglais. Geneviève Billette a reçu de nombreux prix pour Le pays des genoux. Elle a également écrit plusieurs textes pour la radio et signé trois traductions de textes mexicains. Son tout dernier texte, Évariste Galois contre le temps a été présenté en lecture publique par le CEAD, en janvier 2009. Geneviève Billette est membre du conseil d’administration du Centre des auteurs dramatiques (CEAD). Certaines de ses pièces sont éditées en France chez Actes Sud en partenariat avec les éditions Leméac (Montréal).
- Lundi 17 janvier
Italie-Brésil 3 à 2
de Davide Enia
traduit de l’italien par Olivier Favier
avec le soutien de la Maison Antoine Vitez
Avec Bernard Garnier
En 1982, l’Italie remporte le mondial du football par une nette victoire sur l’Allemagne. Mais le match « historique » que choisit de nous raconter Davide Enia est celui des quarts de final. On sent d’emblée que le propos de l’auteur est double : transmettre une passion — avec tout ce qu’on peut en tirer d’élans sensuels pour ceux qui la partagent, et de distanciation comique pour celui à qui elle est plus étrangère — et en faire un instant de regard sur la vie — le moment de loisir devenant le véhicule des peurs et des rêves de tout un chacun. Olivier Favier
Assis à côté de mon père, il y a mon oncle Pepe, son frère. Maillot blanc. Pantalons de couleur clair. Chaussettes vertes. Les mêmes vêtements pour tous les match où joue l’Italie. Toujours les mêmes. Mais seulement pour les matchs où joue l’Italie. Et surtout, jamais lavés : “parce que sinon, la chance, elle reste dans la machine”.
Davide Enia est né en 1976 à Palerme. Comme Ascanio Celestini, il appartient à la deuxième génération du théâtre-récit. On lui doit notamment un récit du bombardement allié sur Palerme, Maggio 43 (prix Ubu 2003) et un dyptique plus intime sur l’adolescence intitulé capitoli dell’infanzia (2006-2008), publié en livre et DVD chez Fandango en 2009.
- Lundi 21 février
Du pain pour les écureuils
de Pieter De Buysser
traduit du néerlandais (Belgique) par Anne Vanderschueren
© L’Arche Éditeur
Avec Thierry Blanc et Sophie Vaude
Marie-Jeanne et Moassi : deux êtres au statut précaire ; deux pions de l’histoire économique contemporaine. Elle, veuve d’un mari et d’un emploi, née pour consommer ; lui, veuf d’un frère et d’un pays, solitaire arabe errant sans papier. Ils habitent à Kortessem, un petit hameau dans le Limbourg. Ils ne se connaissent pas. Alors que tout les sépare socialement, ils se retrouvent pourtant dans une chambre d’hôtel près de la gare du Nord à Paris. La veille, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre et pour la première fois de leur vie, tout peut basculer…
« Marie-Jeanne et Moassi s’aiment. J’espère pouvoir faire de leur être ensemble, de leur union, de leur capacité à se parler, un parasite dans la chambre des machines de l’Histoire. » Pieter De Buysser
Moassi.— Paris !
Marie-Jeanne.— Qui l’eut cru. Ce matin au Lidl de Kortessem et maintenant, ici, avec toi.
Moassi.— Tu es donc encore allée faire des courses, ce matin ?
Marie-Jeanne.— Oui, et toi aussi non ?
Moassi.— Non, pas moi, je me préparais depuis plusieurs jours, je ne savais pas au juste quand j’allais partir, mais je savais que j’allais partir.
Pieter De Buysser est né à Kapellen en 1972, après avoir suivi une formation théâtrale et étudié la philosophie, il s’est essayé successivement à l’écriture de pièces pour le théâtre, à la mise en scène, au cinéma. Il publie régulièrement des textes critiques. Son écriture : une exploration radicale de la langue et des codes théâtraux, alliant humour et sens particulier du tragique. Il a créé la compagnie Lampe avec laquelle il veut réaliser trois trilogies dont deux sont achevées aujourd’hui : Critique de la raison touchée et Critique du Pouvoir, où il interroge la philosophie kantienne. En 1998, il a reçu le Prix Émile Zola pour son essai Tijdpraktijken, een aangeklede rede. Textes disponibles en français : Du pain pour les écureuils et L’accueil d’Ismaël Stamp, chez l’Arche.
- Lundi 21 mars
Mer
de Tino Caspanello
Traduit du sicilien par Bruno et Frank La Brasca
Éditions Espaces 34, 2010
Avec Stéphane Czopek, Léo Ferber et Grégory Faive
Avec une grande tendresse, cette pièce conte l’amour que se portent un homme et une femme qui n’ont pas les mots pour l’exprimer. Lui est assis au bord de l’eau, il attend. Elle est sur le point de rejoindre leur maison pour le dîner. Mais elle n’arrive pas à se décider à partir, à le laisser seul, ainsi. Alors ils tentent de parler de ce qui fait leur vie et petit à petit se révèle cet amour qui ne s’est jamais dit à haute voix. (NdE)
Femme._ Tu veux que j’te dise quèque chose ?
Homme._ Quoi ?
Femme ._Tu m’parais bien bizarre …
Homme._ Pourquoi ?
Femme._ J’sais pas … quand t’es à la maison tu parles jamais
Homme._ C’est toujours toi qui parles.
Femme._ Mais ici tu parles.
Homme._ C’est toi qui m’obliges à parler …
Né en 1960 à Pagliara près de Messine (Sicile), Tino Caspanello est auteur, acteur et metteur en scène pour la compagnie Theatro pubblico incanto qu’il a créée. Il est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Pérouse. Il a soutenu une thèse en section scénographie sur le Théâtre de l’absurde et une autre en histoire de l’art. Il enseigne le théâtre à l’université de Messine. Son travail tente de reconstruire, dans une vision métaphysique, fragments de vie, petites fulgurances quotidiennes que, trop souvent, on a du mal à percevoir.
Il a écrit une dizaine de pièces dont Mari qui a reçu en 2003 le prix spécial du jury Premio Riccione. Tino Caspanello a reçu le Prix de la critique italienne en 2008.
- Lundi 18 avril
À la périphérie
de Sedef Ecer
Dilcha et Bilo ont quitté la campagne pour s’installer en ville. Sur le quartier des djinns, lls se construisent une baraque dans ce qui devient peu à peu un bidonville, en face d’une décharge d’ordures où les enfants vont jouer. Les habitants voient leur avenir assuré par l’installation d’une usine fabricant de l’insecticide. Tout le monde prospère, mais un accident déclenche des émeutes et les minorités se dressent les unes contre les autre. Les enfants orphelins, devenus adultes, rêvent de partir en Occident. Mais en occident aussi « La périphérie du monde est une poubelle ».
TAMAR. – Quand est-ce que je te rejoindrai à l’espèce Schengen ?
AZAD. – Espace.
TAMAR. – Quoi ?
AZAD. – Espace, pas espèce.
Née à Istanbul, romancière, auteur dramatique, scénariste, traductrice et journaliste, Sedef Ecer pratique plusieurs formes d’écriture en turc et en français.
Elle a écrit plus de 500 billets d’humeur, chroniques et articles, des émissions de radio et télévision pour les médias turcs et français, ainsi que des fictions, documentaires et un roman traitant tous de sujets politiques. Elle a aussi essayé des nouvelles formes comme des « micro fictions » ou des « conversations e-mails ». Publiée par les éditions de l’Amandier, lauréate CNT et premier prix des Rencontres Méditerranéennes, Sur le Seuil, sa première pièce en français a été créée en 2010. Elle a écrit À la périphérie, sa seconde pièce en français, suite à une résidence d’auteur et travaille actuellement sur un téléfilm (Flach Films) et un long métrage (Films à 4).